Des peines sévères contre des jeunes manifestants Lyon
. Pour une échauffourée lors d’une manifestation au soir du second
tour, trois étudiants ont été condamnés à trois mois de prison ferme.
«
Je mérite une sanction, mais pas à ce point-là ! »
Joshua Grabener n’en revient pas. Interpellés dimanche soir lors d’une
manifestation anti-Sarkozy à Lyon, cet étudiant en licence de sciences
politiques et deux de ses camarades de classe ont écopé, mardi, de
peines incroyablement sévères : trois mois de prison ferme chacun.
Jugés en comparution immédiate pour « violences et rébellion », ils ont
décidé de ne pas faire appel. «
On a trop peur de prendre plus… »
Au soir de l’élection de Nicolas Sarkozy, Joshua, Fabrice et Adil,
déçus, descendent dans la rue. Ils se retrouvent avec quelque 200
manifestants. L’ambiance est électrique. «
On n’était pas venu là pour casser, juste pour dire notre mécontentement, assure le jeune homme.
Mais
au niveau du pont de la Guillotière, Fabrice a eu la mauvaise idée de
tirer un barrière en travers de la route pour barrer la circulation. »
Une voiture de police le repère. Deux fonctionnaires - un homme et une
femme avec un chien - tentent de l’interpeller au milieu de la foule.
Les manifestants résistent. La policière démuselle alors le chien.
Selon Joshua, il aurait mordu une jeune fille au mollet. «
J’ai tiré la policière en arrière pour la forcer à reculer avec son chien et c’est là qu’elle est tombée. »
Les trois amis se retrouvent au commissariat. Ils feront 48 heures de garde à vue. Joshua reste sous le choc. «
La policière reconnaît que je ne l’ai pas frappée mais juste tirée à terre, explique-t-il. Seulement,
ces collègues ont tout fait pour me charger, ils nous ont mis la pression en permanence. » Les policiers l’accusent d’avoir «
tabassé » leur collègue à terre. Et tant pis si le certificat médical de celle-ci ne relève qu’une «
égratignure » au poignet… Quant à Fabrice, ils lui reprochent d’avoir «
jeté » la barrière contre eux.
Devant le tribunal correctionnel, le procureur de la République appuie cette version. «
Ces trois étudiants ont eu des comportements d’émeutiers, tonne-t-il.
Ils ont pris des responsabilités en sortant de chez eux ce dimanche soir. » Il requiert six mois de prison ferme. Le juge tranche pour trois mois. Reconnaissant la «
sévérité » et la valeur «
exemplaire » de cette peine. Surtout vis-à-vis de jeunes sans aucun casier judiciaire.
Drôle de jugementQuelques minutes auparavant, trois casseurs,
multirécidivistes, interpellés le même soir en flagrant délit alors
qu’ils détruisaient des vitrines de magasins, ont été condamnés à… deux
mois ferme. «
Ça n’avait rien à voir avec les élections », a assuré l’un d’eux au tribunal. Confiant même s’être «
réjoui » de la victoire de Nicolas Sarkozy et avoir juste fêté ça. Une circonstance atténuante ?
Joshua, lui, compte maintenant sur un aménagement de
peine pour pouvoir passer ses examens. Il aura dix-neuf ans le 16 mai
prochain. Le jour de la prise de fonction de Nicolas Sarkozy. «
J’aurais aimé un autre cadeau d’anniversaire. »
L’Humanité, 10 mai 2007